L’absence d’inscription d’une licence de marque au registre national des marques : génératrice d’une véritable insécurité juridique !
Publié 16 février 2024
Il faut inscrire la licence d’une marque au Registre des marques !
Tel est le credo des juridictions françaises qui, rigoureusement, n’hésitent pas à sanctionner les distraits qui auraient oublié cette formalité.
Cette fermeté est en effet indispensable à la bonne gestion des marques et de leur opposabilité. Sans publication au registre, les tiers ne peuvent être au courant des droits consentis sur les marques, de leur nouvelle indisponibilité en cas de licence exclusive.
Ce dogme semble cependant connaître quelques écarts concernant les licences de marques et entraîne dès lors une insécurité juridique nourrissant des contentieux abscons.
On sait qu’il est possible, pour le titulaire d’une marque enregistrée, de la faire exploiter par une personne tierce en lui octroyant une licence. Le titulaire n’exploite pas sa marque directement mais la fait vivre grâce à son licencié. Ce procédé permet au titulaire de ne pas perdre ses droits sur la marque tout en autorisant sa société, sa filiale, son distributeur etc. à l’exploiter.
Mais une incertitude persiste quant au sort réservé aux licences non inscrites sur le registre.
Pour la comprendre il est important de se souvenir que la déchéance d’une marque est le fait de ne pas l’exploiter sérieusement pendant une période ininterrompue de 5 ans. Cela entraîne de facto la possibilité pour des personnes tierces de bonne foi d’en demander la déchéance et/ou d’utiliser la marque en question sans que le titulaire premier ne puisse faire quoi que ce soit.
L’usage sérieux d’une marque est un sujet qui a été et est toujours longuement débattu mais l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle admet notamment comme usage d’une marque :
« L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque »
Cela signifierait donc que quiconque peut utiliser la marque à sa guise tant que son titulaire l’approuve.
Au-delà d’une probable volonté de faciliter l’utilisation des marques dans la vie des affaires, cette formule provoque surtout une grande insécurité juridique, et cela notamment lors de contentieux !
Concernant le supposé contrefacteur
Une société souhaite utiliser un nom commercial qu’elle estime assez banal. En recherchant si le nom qu’elle envisage est disponible elle s’aperçoit qu’il a déjà été déposé en tant que marque mais que le titulaire ne l’utilise, semble-t-il, pas depuis plus de 5 ans. Mieux, elle découvre que différentes sociétés sans lien apparent avec le titulaire de la marque utilisent ce même nom pour désigner leur propre enseigne.
Elle pense donc, et à juste titre, que le nom est disponible pour tout un chacun et commence à l’exploiter.
Mais elle se fait assigner par le titulaire de la marque pour contrefaçon. Opposant la déchéance, elle se fait débouter de sa demande car les différentes sociétés qui l’utilisent effectivement, le font avec le consentement du titulaire. Souci, aucune inscription à ce titre n’est inscrite nulle part !
Alors qu’aucun formalisme n’a été fait pour informer la « contrefactrice » d’un tel lien entre les différentes sociétés, cette dernière a agi de bonne foi en utilisant un nom qui apparait comme disponible.
L’absence d’inscription de la licence devrait pouvoir être opposée au titulaire et aux licenciés « tacites » résultant de l’oubli de l’inscription de la licence.
Le tiers ne devrait pas avoir à pâtir d’une négligence fautive du titulaire de la marque ou de son licencié.
Concernant le titulaire de la marque
En omettant l’inscription de la licence au registre national des marques, le titulaire prend, lui aussi, un risque.
A l’égard du licencié, il fragilise le contrat. Le consentement pouvant être à la fois écrit comme oral, il est essentiel pour les deux parties de connaître les tenants et les aboutissants de leurs engagements respectifs (durée, prix, limites…).
Car « ce qui est écrit est écrit » disait Montesquieu, lorsqu’un désaccord survient la meilleure des solutions est de revenir au texte. Avec un formalisme même simplifié, la situation devient claire et non équivoque.
A l’égard des tiers ensuite, si le contrat de licence est publié au registre, l’invocation de la déchéance n’est plus envisageable (pour autant que la marque est bien exploitée). Toute personne a accès à ces informations et ne peut plus alléguer leur manquement pour se prévaloir de son ignorance.
Le titulaire et le licencié de la marque sont mieux protégés contre tout usage du signe par un tiers.
Concernant le licencié
Un licencié qui ne verrait pas son contrat inscrit au registre national des marques ne pourrait introduire une action en justice en contrefaçon de la marque ni même agir conjointement avec le titulaire.
Même si le consentement du titulaire lui permet d’exploiter la marque, cette absence de formalisme réserve au seul titulaire la réparation de son préjudice sur le fondement de la contrefaçon. Le licencié, lui aussi victime, ne peut alors qu’intervenir sur son préjudice propre relevant usuellement de la concurrence déloyale. La faute n’est pas toujours facile à caractériser et l’indemnisation éventuellement accordée sera, très probablement, moins élevée.
Le licencié se prive ainsi d’une possibilité de dommages et intérêts du fait de l’usage de la marque bien plus avantageuse pour lui, avec comme unique raison une simple absence de formalité pouvant facilement être effectuée : l’inscription de sa licence !
L’absence d’inscription au registre national des marques est défavorable à chaque partie et contribue, sans aucun doute, à instaurer une insécurité juridique à l’égard finalement de toutes les parties et des tiers.
Nous ne pouvons, dans ces conditions, que conseiller de procéder à ces formalités !
Sylvie DEGEZ et Inès RAIFFAUD
Le cabinet DEGEZ-KERJEAN Avocats se tient à votre entière disposition pour vous accompagner et vous conseiller que ce soit dans la rédaction d’un contrat de licence, sa publication au registre national des marques ainsi que pour tous litiges s’y afférent.