Coronavirus et Force Majeure – 1ère étape : Commencez dès à présent à préparer avec vos clients et vos fournisseurs les conséquences des arrêts de production
Publié 06 avril 2020
Si la pandémie vous a obligé à cesser temporairement votre activité, cette suspension va avoir des conséquences dans vos relations avec vos fournisseurs et vos clients.
Pour limiter autant que possible les contentieux relatifs à l’inexécution temporaire ou définitive des contrats et des commandes qui ne seront pas exécutées comme initialement convenu, il faut dès maintenant analyser la situation de chaque commande avec chaque client et chaque fournisseur.
Il faut commencer à se poser les bonnes questions, préparer et conserver les éléments qui caractériseront pour votre entreprise la force majeure.
(Nous verrons dans un autre article vos obligations et les conséquences de l’empêchement temporaire ou définitif de l’exécution d’un contrat/Commande)
Étape première : Préparer les éléments caractérisant, pour VOTRE entreprise, la « Force majeure » :
Nous l’avons rappelé, dans notre article sur la « Force Majeure », que la qualification de cas de « force majeure » de cette pandémie par le Gouvernement est de pure forme. Aucun texte de loi, à ce jour, ne qualifie cette pandémie de Coronavirus (Covid19) de cas de « force majeure », ou ne définit les activités « essentielles ». En vertu de la séparation des pouvoirs, la déclaration d’un membre du gouvernement n’emporte aucune obligation à l’égard des juges qui, seuls, auront le pouvoir d’en juger.
Pour apprécier si la force majeure telle que définie par la loi peut s’appliquer à votre situation et à vos contrats, il va falloir vérifier si vous avez, dans vos contrats, des clauses de « force majeure », leur étendue et leurs restrictions éventuelles a) et à défaut de clause ou selon celles-ci, apporter la preuve de l’existence des critères fixés par la loi pour caractériser la force majeure dans votre situation b):
a. Vérifier les clauses sur la force majeure dans vos contrats :
Les contrats peuvent intégrer une définition de la force majeure fixée par les parties ou des clauses qui complètent et précisent les critères à retenir pour qualifier une situation de telle.
Il est nécessaire tout d’abord d’identifier ce type de clauses dans vos contrats concernés par une inexécution due à cette pandémie. Une analyse juridique permettra d’y voir clair.
b. Éléments à caractériser :
Si un litige oppose des partenaires au sujet de l’inexécution d’un contrat du fait de cette « force majeure », le débiteur de l’obligation devra démontrer que la situation répond aux conditions posées par la loi pour qualifier cet empêchement de cas de force majeure. Les trois critères légaux sont cumulatifs.
1- « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, … » article 1218 Code Civil.
Le caractère extérieur de la pandémie ne fait pas de doute. Il n’y aura certainement pas de contestation de ce point.
2- « …qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat … »
L’imprévisibilité pourrait être discutée si le contrat dont l’exécution est empêchée a été convenu à un moment où il était prévisible que la pandémie arriverait.
Pour les contrats passés avant janvier 2020, cela ne fera pas de doute, l’imprévisibilité sera reconnue.
Mais quid pour les contrats passés à compter de janvier 2020 ? La pandémie était en cours de propagation. La nature virale pouvait-elle laisser présager de sa propagation mondiale ? Jusqu’à quelle date cette imprévisibilité était-elle incontestable pour votre entreprise ?
Les contrats d’affaires (la convention unique) usuellement conclus entre fournisseurs et la grande distribution sont habituellement conclus en début d’année et jusqu’au 1er mars. Seront-ils considérés pour autant comme entrant dans le champ de la prévision possible dès lors que la négociation est close en début d’année mais récapitule des discussions sur plusieurs mois. Il serait anormal de ne considérer dans ce cas que la date de la signature des contrats d’affaires annuels.
La conservation des traces des échanges sera importante.
3- « …et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, … »
Les entreprises quand bien même elles n’ont pas été qualifiées d’« essentielles » (et nous avons vu il n’y a aucune définition légale de ce critère) ont, pour beaucoup, dû cesser leur activité (arrêts de travail des personnels pour garder les enfants, faute de pouvoir réorganiser la production ou dans des conditions satisfaisant aux mesures « barrières » et subissant les pénuries de marques, de gel etc…).
Le constat de ces arrêts en nombre imposés et des pénuries suffira-t-il à considérer que cela constitue les « mesures appropriées » pour éviter l’inexécution et ses effets ?
Il est vraisemblable que la preuve de démarches en vue d’obtenir des masques et gel démontrera que les mesures ont été prises pour tenter d’éviter l’empêchement.
Mais quid lorsque l’entreprise a donné ses masques à l’ARS ? Au détriment évidemment de sa production. Cette décision, hautement morale et louable, sera-t-elle considérée comme une mesure appropriée pour éviter les effets de l’empêchement ? Alors même qu’il eut fallu justement garder ses produits et les utiliser pour justifier d’avoir tenté d’éviter l’empêchement ! Cette situation ne doit-elle pas, au contraire, être prise en compte quand bien même elle ne correspond pas à la recherche d’un évitement des effets de l’empêchement.
De même les entreprises agroalimentaires qui auront tourné à plein régime pour assurer des productions de base pourraient-elles invoquer la force majeure si elles ont dû de ce fait annuler des productions autres ?
La considération de l’intérêt supérieur, appréciation morale et politique, pourra-t-elle suppléer un « manque » dans les critères juridiques nécessaires à la qualification de force majeure ?
À tout le moins, la mansuétude des juges pourrait-elle en tenir compte…
En tous cas, conservez toutes les traces écrites et datées reflétant la situation et les mesures prises.
Le cabinet met à votre disposition son expertise en matière de résiliation de contrats.