Déchéance de marque pour défaut d’exploitation conforme à sa fonction
Publié 15 février 2016
La marque est définie comme « un signe distinctif susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits et services d’une personne physique ou morale»[1].
Récemment la Cour d’appel de RENNES a fermement rappelé la fonction essentielle de la marque : la désignation de produit ou service[2].
« Forever Young », un concept publicitaire
Pour fêter les 40 années de la marque Kickers, les titulaires de la marque ont décidé d’utiliser l’expression « Forever Young » dans leur campagne publicitaire.
La Société Bruno Saint Hilaire est le titulaire d’une marque française « Forever Young », enregistrée dans les classes 18 et 25. La Société a introduit une action en contrefaçon et en concurrence déloyale.
La Société titulaire de la marque Kickers et son agence publicitaire, défenderesses, ont effectué une demande reconventionnelle de déchéance de marque pour défaut d’usage.
La Société Bruno Saint Hilaire évoque un usage de sa marque « Forever Young » à titre de slogan qui constituerait selon lui un mode d’exploitation précis : l’indication de l’origine de ses produits. Il s’agit pour lui d’un concept publicitaire.
La déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux dans une période ininterrompue de cinq années est prévue à l’article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Le titulaire de la marque dont la déchéance est encourue doit apporter la preuve de l’usage de sa marque.
Constatant que son propre titulaire la qualifie de « concept publicitaire », la Cour d’appel de Rennes considère que la marque « Forever Young » est usitée concrètement comme le slogan de la marque « Bruno Saint Hilaire ». Pour la Cour, la Société Bruno Saint Hilaire ne justifie pas que la marque litigieuse ait pour fonction la désignation de produits ou services, fonction essentielle de la marque.
Par conséquent, la déchéance de la marque « Forever Young » est prononcée pour défaut d’exploitation conforme à sa fonction, pour tous les produits figurant à son dépôt.
La Société Bruno Saint Hilaire est condamnée à verser 20.000 € de dommages et intérêts pour l’interruption et la modification de la campagne publicitaire pour la marque Kickers.
Tout slogan n’est pas une marque
Si le slogan désigne l’origine d’un produit ou d’un service, il est peut être considéré comme une marque. Cependant, l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (OUEPI) considère notamment que les slogans ne sont pas des marques, et qu’ils ne répondent pas à l’exigence de distinctivité du signe[3]. En effet ; l’article 4.1 b) de la Directive européenne du 16 décembre 2015[4] prévoit que la distinctivité du signe est un motif absolu de refus ou de nullité de marque.
Dans l’arrêt d’espèce, la Cour d’appel de Rennes a scrupuleusement constaté l’absence d’utilisation de la marque dans sa fonction d’indication d’origine de produit ou service, pour prononcer sa déchéance.
Bientôt des procédures administratives de déchéance et de nullité de marques.
La Directive européenne du 16 décembre 2015, « paquet Marques », impose la mise en place dans chaque Etat membre de procédures administratives de déchéance et de nullité de marques devant leur office national. L’objectif étant qu’une demande principale de déchéance ou de nullité ne relève plus de la juridiction judiciaire.
L’INPI aura la charge de ces nouvelles procédures administratives qui doivent être mises en place avant le 14 janvier 2023.
Olivia Belouin, Sylvie DEGEZ
Cabinet DEGEZ-KERJEAN avocats
[1] Article L.711-1 Code de la Propriété Intellectuelle, Code commenté 2015, DALLOZ
[2] CA RENNES, 3ème chambre commerciales, 10 novembre 2015, n°13/07381, Sté Bruno Saint Hilaire c/ Stés Groupe Royer et Grey Paris
[3] TREFIGNY P., « Forever Young : pour bien commencer l’année ! », Marques, Revue Mensuelle de Propriété Industrielle, Jurisclasseur, LexisNexis, n°2, février 2016
[4] Directive UE 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats Membres sur les marques