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La « dèch' », ça existe aussi pour les marques !

Publié 18 juin 2024

 Qu’est-ce que la déchéance de marque ?

Vous voila titulaire d’une marque. Celle-ci a été déposée de bonne foi, est parfaitement distinctive, licite et ne fait obstacle à aucun droit antérieur. A priori, aucune action en nullité ne pourra donc prospérer à son encontre. Vous vous réjouissez, à bon droit. Malgré tout, n’est-il pas trop tôt pour fêter ça ?

Effectivement, quand bien même vous procédiez aux renouvellements, il n’est pas certain, en cas de relâchement de votre part, que vous conserviez votre droit de marque. Une marque, à défaut d’être annulée rétroactivement, peut-être perdue pour l’avenir !  Il s’agit de la déchéance de marque.

La déchéance de marque est une sanction prospective punissant le titulaire d’une marque ayant manqué à son obligation de bonne exploitation de son titre.

Une marque encourt la déchéance si elle n’est pas exploitée pendant un certain temps ou si elle devient usuelle ou trompeuse.

Mais alors comment éviter que sa marque soit déchue ?

Déchéance pour inexploitation quinquennale :

 La marque qui n’a pas été exploitée de manière sérieuse pour les produits et services désignés pendant une période ininterrompue de 5 ans encourt la déchéance (art. 714-5 CPI). Pour conserver son titre, le titulaire doit naturellement exploiter sa marque pour les produits et services désignés dans l’acte d’enregistrement. Et trop de produits ou services désignés et non exploités engendrent un risque de déchéance (cf notre article: https://www.degez-kerjean.fr/actualites/propriete-intellectuelle/depot-de-marque-attention-aux-libelles-de-produits-et-services-trop-larges/

Mais l’usage doit être “sérieux”. C’est-à-dire que le titulaire doit exploiter sa marque pour un usage commercial. L’usage ne doit pas avoir pour seul objet le maintien du droit de marque. Il est important de noter que la charge de la preuve de l’usage sérieux repose sur le titulaire en cas d’action en déchéance… (art L.716-3-1https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039378036).

Heureusement pour le titulaire, tout n’est pas perdu en cas d’inexploitation quinquennale. S’il s’aperçoit avant toute action en déchéance qu’il n’a pas exploité sa marque pendant 5 ans, il peut tout à fait reprendre un usage sérieux de la marque. L’usage sérieux doit néanmoins précéder d’au moins 3 mois la demande en déchéance pour faire échec à cette dernière (art 19, directive 2015 paquet marques). Voir aussi notre article sur l’inexploitation de la marque d’un concurrent https://www.degez-kerjean.fr/archives/marque-similaire-dun-concurrent-toleree-plus-de-5-ans-plus-daction/

Par ailleurs, si le titulaire a été empêché d’exploiter la marque, alors il peut exciper du motif légitime justifiant l’absence d’exploitation.

 Déchéance de la marque devenue usuelle  :

 Victime de son succès, la marque encourt également la déchéance lorsqu’elle devient la désignation usuelle, pour les consommateurs, du produit ou service qu’elle désigne.

La marque Piña colada, devenue la désignation de la boisson alcoolisée qu’elle désignait, a ainsi été déchue (Cass. com., 28 avril 2004, n°02-10.505).

Cependant, il n’y aura déchéance que si le titulaire a été passif. Si la marque devient usuelle mais que son titulaire a activement œuvré, par exemple au moyen de publicités, à distinguer sa marque des produits ou services qu’elle désigne, alors une action en déchéance sera plus compliquée.

Déchéance de la marque devenue trompeuse :

Une marque encourt la déchéance si elle devient trompeuse, déceptive, pour le public à l’égard notamment de la nature, de la qualité ou de la provenance géographique des produits et services désignés.

De nouveau, le rôle du titulaire à son importance. Cette fois, c’est l’action du titulaire qui est sanctionnée. Une marque trompeuse ne peut être déchue que si l’action du titulaire est la cause de la déceptivité de la marque.

Le titulaire doit donc être prudent. S’il revoit à la baisse ses exigences de production alors que la marque évoque une grande qualité alors celle-ci encourra potentiellement la déchéance. Si la marque suggère une certaine région géographique et que les lieux de production des produits désignés sont délocalisés dans un autre lieu alors la marque pourra également être déchue.

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Si un de vos concurrents s’aperçoit que votre marque encourt la déchéance, il pourra intenter une action en déchéance à titre principal devant l’INPI, ou à titre reconventionnel devant le tribunal judiciaire.

Alors mieux vaut être vigilant !

Le cabinet DEGEZ-KERJEAN Avocats se tient à votre disposition pour toutes questions relatives à la déchéance de marque ainsi que tous contentieux qui pourraient s’y afférer.