Saisie-contrefaçon: attention aux délais !
Publié 07 mars 2016
La saisie-contrefaçon est un mode de preuve caractéristique en matière d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle : droit d’auteur[1], brevet[2] et marques[3].
La saisie-contrefaçon doit être ordonnée par un juge. Un huissier pourra ainsi procéder à une saisie réelle et/ou descriptive des produits contrefaisants.
Cependant, lorsqu’une saisie-contrefaçon a eu lieu, le demandeur de cette mesure doit assigner dans un délai imparti.
Extension du délai d’assignation
Depuis un décret de 2008[4] pris en application de la loi de lutte contre la contrefaçon de 2007, le délai dont dispose le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle pour assigner est de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai est plus long, en matière de droit d’auteur[5], de brevet[6] et de marque[7]. Auparavant le délai était de 15 jours pour la saisie-contrefaçon en matière de brevet.
Harmonisation du point de départ du délai
En matière de brevet et de marque, le délai d’assignation faisant suite à la saisie-contrefaçon débute le « jour où est intervenue la saisie ou la description »[8].
Cependant, en matière de droit d’auteur, le délai d’assignation débutait soit le jour de la signature du procès-verbal de la saisie, soit le jour de l’ordonnance de saisie-contrefaçon. Depuis le décret du 19 décembre 2014[9], le délai d’assignation en matière de droit d’auteur débute également le jour de la saisie ou de la description.
La Cour de Cassation a d’ailleurs rapidement pris acte de cette nouvelle disposition dans un arrêt du mois de mars 2015 dans lequel elle considère que la Cour d’appel dont l’arrêt est attaqué aurait dû vérifier si l’ordonnance de saisie-contrefaçon prévoyait un délai pour l’exécution de la saisie-contrefaçon, « de sorte que le délai pour se pourvoir au fond ne pouvait commercer à courir à compter de la date de cette ordonnance [10]».
Annulation de la saisie-contrefaçon à la demande du saisi
Si le délai pour assigner au fond, suite à l’exécution d’une saisie-contrefaçon n’est pas respecté, alors la saisie sera annulée à la simple demande de la personne saisie. Le titulaire de droits d’auteur, d’un brevet ou d’une marque ayant demandé cette mesure doit en conséquence être très vigilent sous peine de voir les mesures préalables de saisie-contrefaçon annulées s’il a saisi trop tardivement la juridiction au fond.
La possibilité d’assigner un tiers
En matière de contrefaçon de brevet, un arrêt récent de la Cour de Cassation a apporté une précision intéressante au sujet de l’assignation délivrée à la suite d’une saisie-contrefaçon[11].
Dans cette affaire, une saisie-contrefaçon a été ordonnée puis exécutée. Le demandeur de cette mesure assigne, dans le délai imparti, deux autres sociétés distinctes de la société ayant subi la saisie-contrefaçon. Cette dernière a été assignée plus de six mois après la saisie, dans le cadre du même contentieux.
La société saisie a donc demandé la nullité de la saisie-contrefaçon en raison du non-respect du délai d’assignation imparti (15 jours à l’époque des faits d’espèce). Cette demande a été accueillie favorablement par la Cour d’appel dont l’arrêt est attaqué.
La Cour de Cassation casse et annule sans renvoi l’arrêt d’appel en considérant que la Cour d’appel a ajouté une condition au texte légal en estimant que le demandeur de la saisie-contrefaçon devait obligatoirement assigner la personne saisie, dans le délai imparti.
En effet, la Cour de Cassation estime que l’obligation résultant des articles L.615-5 et R.615-3 du Code de la Propriété intellectuelle a bien été respectée, puisqu’une assignation a été délivrée dans le délai imparti.
Par conséquent, on peut considérer que le demandeur n’a pas l’obligation d’assigner le saisi.
L’assignation d’un tiers suffit. Ainsi, la société saisie qui a tout de même été assignée plus de six mois après la saisie-contrefaçon n’a pas pu en obtenir l’annulation.
L’existence d’autres délais propres à la saisie-contrefaçon
Lorsqu’un juge ordonne une saisie-contrefaçon, cette mesure doit être mise en œuvre dans le délai prévu par l’ordonnance ou à défaut dans un délai raisonnable (un mois ayant été jugé raisonnable par la Cour de Cassation)[12].
Avant le début des opérations, la personne qui va être saisie doit être informée de l’ordonnance de saisie-contrefaçon, dans un délai raisonnable ou suffisant[13].
Récemment, la Cour de Cassation a considéré que la mention dans l’acte de signification de l’ordonnance, précisant que la formalité de signification à la personne concernée avait été effectuée de façon préalable aux opérations de saisie-contrefaçon, était suffisante[14].
Olivia Belouin, Sylvie Degez
[1] Article L.332-1 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006161702&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[2] Article L.615-5 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006179063&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[3]Article L.716-7 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006161695&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[4] Décret n°2008-624 du 27 juin 2008, consulté le 04.03.2016, www.legifrance.gouv.fr
[5] Article R.332-3 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000018390994&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[6] Article R.615-3 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000019107922&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[7] Article R.716-4 du Code de la Propriété intellectuelle, consulté le 04.03.2016, https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=44ED0FC377B08056C7ABD9B5365C515D.tpdila12v_3?idSectionTA=LEGISCTA000019141590&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160304
[8] Articles R.615-3 et R.716-4 du Code de la Propriété intellectuelle, précités
[9] Décret n°2014-1550 du 19 décembre 2014, consulté le 04.03.2016, www.legifrance.gouv.fr
[10] Cass. Civ.1ère 19 mars 2015, n°13-25.311 « Société Libellule c/ Société TPLM »
[11] Cass. Com. 7 juillet 2015, n°14/12.733
[12] CA PARIS, Pôle 5, chambre 1, 14 octobre 2014, n°13/05857
[13] KAHN A.-E., « Un an de droit de la mode, Communication – Commerce électronique, Revue mensuelle LexisNexis Jurisclasseur, septembre 2013, pt 12.
[14] Cass. Civ.1ère 19 mars 2015, n°13-25.311 « Société Libellule c/ Société TPLM », précité